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La baisse de la longévité des entreprises n’est pas une fatalité : comprendre et adapter son business model
Une entreprise ne disparaît presque jamais du jour au lendemain. Elle commence par perdre un peu de pertinence, puis un peu de marge, puis un peu de clarté dans ses décisions. Le reste n’est souvent qu’une question de temps.

Depuis plusieurs décennies, la durée de vie moyenne des entreprises diminue, y compris chez celles qui semblaient les mieux armées. Pour les créateurs et dirigeants de TPE et PME, l’enjeu est clair : ce phénomène n’épargne ni la taille, ni l’expérience, ni le savoir-faire. Mal compris, il conduit à de mauvaises priorités ; bien analysé, il devient un levier de transformation.
Cet article propose une lecture pragmatique de cette évolution. Nous y analyserons les causes réelles de cette fragilité, leurs conséquences concrètes sur le pilotage des entreprises, et surtout les pistes opérationnelles permettant aux dirigeants d’adapter leur modèle économique, leurs décisions et leurs outils pour renforcer durablement la résilience et la performance de leur activité.
Un constat réel… mais souvent mal interprété
Pour beaucoup de dirigeants, l’idée que les entreprises « vivent moins longtemps qu’avant » reste abstraite. Pourtant, les données sont frappantes : selon une étude attribuée à McKinsey & Company, la durée de vie moyenne des entreprises cotées au Standard & Poor’s 500 est passée d’environ 61 ans au milieu du XXᵉ siècle à moins de 18 ans aujourd’hui. Elle pourrait encore se réduire à l’avenir.
1. Une statistique frappante mais incomplète
Cette statistique, bien connue dans les milieux stratégiques, ne mesure pas simplement une « mort » mécanique des entreprises, mais une sortie du S&P 500: elles peuvent être rachetées, fusionnées, perdre suffisamment de capitalisation ou de pertinence stratégique pour ne plus figurer parmi les leaders, ou disparaître totalement.
Autrement dit, la disparition statistique d’une entreprise ne signifie pas forcément une faillite immédiate, mais souvent l’effritement progressif d’un modèle économique devenu obsolète.
Pour un dirigeant de TPE ou PME, cette mesure permet de comprendre un principe essentiel : ce n’est pas tant la durée de vie qui compte, mais la durée pendant laquelle un modèle reste viable face à l’évolution du marché.
2. Pourquoi la « crise permanente » est une mauvaise explication ?
Il est tentant d’attribuer cette baisse de longévité à une succession de crises (financières, sanitaires, géopolitiques).
Pourtant, l’histoire économique montre que les entreprises ont toujours traversé des cycles de turbulences sans pour autant disparaître massivement. Ce qui change aujourd’hui, ce n’est pas l’existence de crises, mais leur rôle de révélateur : elles exposent brutalement les limites d’un modèle qui ne savait plus s’adapter.
Les crises ne sont donc pas la cause profonde du phénomène ; elles accélèrent l’expression d’un mal latent, celui d’un modèle économique qui ne parvient plus à créer de la valeur dans un environnement profondément transformé par la technologie, la concurrence et les attentes des clients.
Ce qui a réellement changé : l’environnement économique des entreprises
Pour comprendre pourquoi les modèles traditionnels s’essoufflent, il faut regarder au-delà des crises et examiner la transformation profonde de l’économie : des chaînes de valeur linéaires vers des réseaux d’acteurs et des modèles économiques centrés sur l’usage et la collaboration.
1. Du monde industriel aux réseaux de valeur
Longtemps, créer de la valeur signifiait maîtriser des actifs physiques et optimiser des chaînes de valeur séquentielles (R&D → production → distribution). Ce modèle, hérité de l’ère industrielle, repose sur l’efficience des flux linéaires.
Aujourd’hui, la valeur se crée souvent au sein de réseaux d’acteurs connectés, où les ressources, les données et les partenaires s’interpénètrent : fournisseurs, clients, plateformes, communautés.
Les recherches de Thierry Reyna, Professeur de gestion de l’innovation à l’École polytechnique et membre du CNRS montrent que des business models basés sur des réseaux de valeur intègrent des partenaires stratégiques et des échanges de valeur plus larges que les chaînes traditionnelles.
2. Qu’est-ce qu’un dirigeant peut en déduire ?
Pour les dirigeants de PME/TPE, la conséquence est claire : optimiser une chaîne interne ne suffit plus si l’écosystème global (clients, partenaires, plateformes) n’est pas pris en compte dans la création et la captation de valeur.
Pour identifier la captation de valeur de son propre écosystème il faut cartographier les flux de valeur externes à votre entreprise (clients, prescripteurs, partenaires), pas seulement les flux internes. Cela permet de repérer où la valeur se forme réellement.
3. La montée de la prosommation et des plateformes
La dynamique économique actuelle accorde un rôle actif aux clients : ils ne sont plus de simples acheteurs, mais deviennent co-créateurs de valeur, influenceurs d’usage, ou relais d’innovation, ce que l’on appelle prosumption.
Parallèlement, les plateformes numériques (par ex. places de marché ou écosystèmes collaboratifs) absorbent les coûts de transaction, facilitent les interactions multi-parties et redistribuent différemment la valeur entre acteurs.
Quelles sont les conséquences ?
Une TPE ou PME qui néglige ces dynamiques risque de rester en dehors des flux principaux de valeur, alors même que ses clients y sont connectés.
Le vrai problème : la durée de validité des business models
La question n’est plus de savoir si une entreprise est performante aujourd’hui, mais combien de temps son modèle économique restera pertinent. C’est cette durée de validité, de plus en plus courte, qui fragilise les organisations, bien plus que la concurrence ou la conjoncture.
1. Pourquoi les business models vieillissent-ils plus vite que les entreprises ?
Pendant longtemps, un business model pouvait rester efficace pendant une ou deux décennies. Aujourd’hui, ce cycle s’est considérablement raccourci.
Selon les analyses d’Innosight, plus de la moitié des entreprises du S&P 500 au début des années 2000 ont depuis quitté l’indice, principalement en raison de fusions, de rachats ou d’un décrochage progressif de leur performance. Ce renouvellement est largement lié à l’incapacité de certains modèles économiques à s’adapter à l’évolution des usages et des marchés (source : Innosight, travaux sur la disruption et la longévité des entreprises, années 2010–2020).
Ce raccourcissement s’explique par plusieurs facteurs cumulatifs :
- évolution rapide des attentes clients,
- baisse des barrières à l’entrée,
- facilité de duplication des offres,
- accélération de la diffusion des innovations.
Dans ce contexte, la stabilité n’est plus un avantage, mais un risque stratégique. Un modèle trop optimisé pour hier empêche souvent d’anticiper demain.
2. Pourquoi copier un modèle qui marche conduit souvent à l’échec ?
Face à l’incertitude, beaucoup de dirigeants cherchent des « modèles qui fonctionnent ». Pourtant, la recherche montre que le best practice est rarement transférable tel quel. Un business model est toujours contextuel, dépendant d’un écosystème précis (clients, partenaires, régulation, maturité du marché).
L’exemple de Google+ illustre ce point : malgré des moyens technologiques et financiers considérables, copier le modèle de Facebook sans proposer une valeur réellement différenciante a conduit à un échec rapide (source : Harvard Business Review, analyse des réseaux sociaux, 2015).
Pour une TPE ou PME, l’enjeu est similaire : imiter un modèle sans disposer du même écosystème mène souvent à une impasse.
V. Pourquoi les entreprises établies ont tant de mal à se transformer
Si la nécessité d’évoluer est largement reconnue, la transformation reste pourtant difficile à engager. Non par manque d’idées ou de moyens, mais parce que les organisations performantes sont souvent prisonnières de ce qui a fait leur succès.
1. Comment l’inertie du succès enferme-t-elle la décision ?
Lorsqu’un modèle économique fonctionne, il structure l’ensemble de l’entreprise : organisation, indicateurs, processus, compétences, discours commercial. Progressivement, tout est optimisé pour exploiter l’existant, pas pour le remettre en question.
Ce phénomène est bien documenté en stratégie sous le nom de path dependency : les décisions passées conditionnent fortement les choix futurs. Clayton Christensen a montré que de nombreuses entreprises performantes échouent non pas parce qu’elles sont mal gérées, mais parce qu’elles prennent de “bonnes décisions” au regard de leur modèle actuel, même lorsque ce modèle devient inadapté (source : Christensen, The Innovator’s Dilemma, Harvard Business School Press, 1997).
Pour un dirigeant de PME, cette inertie est souvent moins visible mais tout aussi réelle :
- une offre devenue complexe car empilée au fil du temps,
- des clients historiques qui dictent les priorités,
- des outils et des habitudes qui rendent le changement coûteux.
2. Pourquoi l’absence de ROI clair bloque-t-elle les transformations ?
Un autre frein majeur tient à la nature même de l’innovation de business model : elle ne permet pas de calculer un retour sur investissement précis à l’avance. Contrairement à un investissement matériel ou à un recrutement, changer un modèle économique relève d’une logique d’exploration.
Les travaux en management de l’innovation montrent que les organisations privilégient les projets dont le ROI est mesurable, même lorsque ces projets ont un impact stratégique limité (source : McGrath, The End of Competitive Advantage, Harvard Business Review Press, 2013).
Pour une TPE ou PME, cette situation est particulièrement sensible :
- les marges de manœuvre financières sont limitées,
- le dirigeant porte directement le risque,
- l’erreur est perçue comme coûteuse.
Résultat : on diffère les décisions structurantes, jusqu’à ce qu’elles deviennent contraintes.
Ce qui permet aujourd’hui de durer plus longtemps
Dans un environnement instable, la longévité ne repose plus sur la solidité d’un plan, mais sur la capacité d’une organisation à apprendre plus vite que ses concurrents. Durer suppose moins de prédire l’avenir que de s’y adapter en continu.
1. Pourquoi passer d’une logique de plan à une logique d’apprentissage ?
Le pilotage traditionnel repose sur une hypothèse implicite : l’environnement est suffisamment stable pour être planifié. Or cette hypothèse n’est plus valide. Les travaux de Rita McGrath montrent que l’avantage concurrentiel est désormais transitoire, et que la performance repose sur la capacité à enchaîner des phases d’exploration, d’exploitation puis de remise en question (source : McGrath, The End of Competitive Advantage, 2013).
Pour un dirigeant de PME, cela implique un changement de posture :
- accepter que certaines décisions soient réversibles,
- tester avant d’optimiser,
- ajuster plus souvent, mais à plus petite échelle.
Les entreprises qui durent ne sont pas celles qui évitent l’erreur, mais celles qui apprennent rapidement à faible coût.
2. Pourquoi la data devient-elle centrale dans la prise de décision ?
Dans ce contexte, la donnée n’est pas un outil technologique, mais un outil de pilotage. Elle permet de passer d’opinions à des faits : ce que les clients utilisent réellement, ce qu’ils abandonnent, ce qui crée de la valeur ou non.
Les entreprises orientées données prennent leurs décisions plus rapidement et avec moins de biais cognitifs, car elles s’appuient sur les usages observés, et non uniquement sur des intentions déclarées (source : Davenport & Harris, Competing on Analytics, Harvard Business School Press, 2007).
Pour une TPE ou PME, il ne s’agit pas de “faire de la data” au sens technique, mais de :
- suivre quelques indicateurs utiles (acquisition, rétention, récurrence),
- détecter les signaux faibles (baisse d’usage, allongement des cycles de vente),
- réallouer rapidement les ressources là où la valeur se crée réellement.
Ce que cette évolution implique pour les dirigeants de PME et TPE
La transformation de l’environnement économique ne concerne pas uniquement les grands groupes. Elle modifie en profondeur les règles du jeu pour les dirigeants de TPE et PME, en redéfinissant à la fois les risques, les marges de manœuvre et les leviers d’action.
1. Pourquoi la taille n’est-elle plus une protection… ni un handicap ?
Pendant longtemps, la taille protégeait : économies d’échelle, capacité d’investissement, pouvoir de négociation. Aujourd’hui, ces avantages se sont largement érodés. Les plateformes, la standardisation technologique et l’accès généralisé aux outils ont réduit les barrières à l’entrée.
Mais cette évolution a un effet miroir : la petite taille devient un atout. Une TPE ou une PME peut tester plus vite, ajuster son offre plus rapidement et décider sans inertie organisationnelle lourde
2. Pourquoi questionner régulièrement son business model est devenu vital ?
Le cœur du sujet n’est plus la performance ponctuelle, mais l’alignement continu entre :
- la valeur réellement perçue par les clients,
- la manière dont elle est produite,
- et la façon dont elle est monétisée.
Un business model ne se “réussit” plus une fois pour toutes. Il se réinterroge régulièrement. Beaucoup de difficultés rencontrées par les dirigeants (pression sur les marges, clients plus volatils, décisions de plus en plus complexes) sont les symptômes d’un modèle qui commence à se désaligner.
Conseil pratique : posez-vous périodiquement trois questions simples mais structurantes :
- Où se crée réellement la valeur aujourd’hui ?
- Qui la capte, et pourquoi ?
- Qu’est-ce qui pourrait déplacer cette valeur demain (nouvel usage, nouvel intermédiaire, nouvelle attente client) ?
Ce qu’il faut retenir
Si votre entreprise rencontrait de sérieuses difficultés demain, serait-ce par manque de clients… ou parce que votre business model n’est plus aligné avec leur manière réelle de créer de la valeur aujourd’hui ?
FAQ,
Parce que les business models deviennent plus rapidement inadaptés aux usages, aux attentes clients et aux nouveaux écosystèmes. Ce n’est pas une accélération des faillites, mais un renouvellement plus rapide des modèles viables.
Non. Les crises existent depuis toujours. Elles jouent surtout un rôle de révélateur, en mettant en évidence les faiblesses d’un modèle économique déjà sous tension.
La technologie est un outil, pas une garantie. Sans évolution du business model (offre, usage, revenus), elle est rapidement copiée et perd son avantage concurrentiel.
C’est un modèle qui continue à fonctionner techniquement, mais qui :
capte moins de valeur,
génère plus de friction,
ou ne correspond plus aux usages réels des clients.
Certains signaux sont révélateurs :
pression durable sur les marges,
clients plus volatils,
cycles de vente plus longs,
dépendance excessive à quelques clients historiques.
Non. Dans la majorité des cas, il s’agit d’ajustements progressifs : évolution de la tarification, ajout de services, changement de canal, nouvelle proposition de valeur pour un usage existant.
La data permet de prendre des décisions factuelles, basées sur les usages réels (ce que les clients font, et non ce qu’ils déclarent), et de détecter plus tôt les signaux faibles.
Idéalement de manière régulière, au moins une fois par an, ou à chaque changement significatif : marché, réglementation, comportement client, technologie.



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