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Effectuation : explications des 5 grands principes
Si le nombre de création d’entreprise en France ne cesse d’augmenter chaque année, passant de 500 000 entreprises crées par an en 2012, à plus d’un million en 2022, l’entreprenariat, dans l’imaginaire collectif, reste encore perçu comme étant un domaine réservé à une élite dotée de qualités exceptionnelles.
La théorie de l’effectuation développée par la chercheuse Saras Sarasvathy vient renverser cette idée en démontrant que l’entrepreneuriat est accessible à tous, sans nécessiter de dons ou de talents exceptionnels.
La théorie de l’effectuation se base sur 5 principes fondamentaux permettant à chacun d’entreprendre au sens large du terme (créer une entreprise, fonder une association, s’engager dans l’intrapreneuriat…) Cette approche ouvre la voie à une conception de l’entrepreneuriat comme une activité humaine ordinaire, adaptable à tout un chacun, selon ses propres moyens et ambitions.
Les cinq principes de l’effectuation
Principe n°1 : démarrer avec ce que l’on a
L’effectuation est une méthode entrepreneuriale qui se distingue par son approche pragmatique et créative.
Contrairement à l’approche classique dite « causale », où un but est fixé et les moyens sont ensuite trouvés pour l’atteindre, l’effectuation commence par les ressources disponibles, qu’il s’agisse des compétences personnelles, des relations ou des opportunités présentes. À partir de ces moyens, l’entrepreneur imagine des objectifs qui peuvent être réalisés ici et maintenant.
L’approche effectuale est une méthode d’action agile et adaptable, qui correspond à la maxime « faire avec ce que l’on a ».
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Pour illustrer la différence entre les deux approches, il est possible de prendre l’exemple de l’organisation d’un repas entre amis. L’approche causale consiste à prévoir le menu à l’avance, dresser une liste d’ingrédients et aller faire les courses en conséquence pour faire la cuisine selon un ordre prédéfini.
Dans cet optique, le but (le repas) détermine les moyens nécessaires (ingrédients, ustensiles). Tout manque dans les moyens compromet le résultat.
À l’inverse, l’approche effectuale consisterait à ouvrir le réfrigérateur le jour-même, regarder ce que vous avez, et créer un repas à partir de ces éléments. L’objectif (le repas) est façonné par les moyens disponibles, non prédéterminé. L’entrepreneur, à l’image du cuisinier, improvise en fonction des ressources présentes.
L’entrepreneur effectual : Qui je suis, ce que je connais, et qui je connais
L’un des piliers de l’effectuation est que l’entrepreneur commence par trois éléments clés : qui il est, ce qu’il connaît, et qui il connaît. Ces trois moyens constituent la base à partir de laquelle il va imaginer ce qu’il peut faire.
L’effectuation enseigne que l’entrepreneur ne doit pas attendre de réunir des ressources parfaites pour commencer. Il commence avec ce qu’il a sous la main et adapte son projet en fonction des ressources et des opportunités qui se présentent. La clé est de rester flexible, de tirer parti des imprévus et de construire des partenariats qui enrichissent le projet.
Plutôt que de viser un but fixe et de s’effondrer face à l’échec, l’entrepreneur effectual ajuste constamment ses actions en fonction des moyens disponibles. Cette méthode est non seulement plus accessible, mais elle ouvre également de nouvelles perspectives créatives.
Principe n°2 : agir en perte acceptable
Le principe de la « perte acceptable » est au cœur de la prise de décision entrepreneuriale dans l’effectuation.
Contrairement à l’idée selon laquelle un entrepreneur est nécessairement un preneur de risques, cette approche met l’accent sur le contrôle des risques et la gestion de l’incertitude.
La théorie de l’effectuation consiste à dire qu’un entrepreneur qui souhaite se lancer se donner un temps imparti, et un budget de perte maximum. L’entrepreneur sait ainsi la perte potentielle, et la définit lui-même comme acceptable.
La définition de la perte acceptable sera amenée à varier d’une personne et d’une entité à une autre. Pour un entrepreneur solo, la perte acceptable se comptera en milliers d’euros, tandis que pour une grande entreprise, cette perte peut se chiffrer à plusieurs millions d’euros.
Dans tous les cas, c’est la détermination a priori du montant maximal que l’on peut se permettre de perdre qui permet de libérer l’action.
Cette façon de faire contraste avec le modèle traditionnel de prise de décision en gestion, où l’on évalue les projets en fonction des gains attendus par rapport aux coûts. Cependant, dans un environnement incertain, il est souvent impossible de prédire les résultats futurs, notamment lorsqu’il s’agit de nouveaux marchés ou de produits innovants.
L’entrepreneur, face à cette incertitude, ne peut se baser sur des estimations précises de gains potentiels. Ce qui est rationnel, c’est de concentrer la prise de décision sur ce que l’on peut contrôler, à savoir les coûts, plutôt que sur des gains hypothétiques. C’est cette démarche que l’effectuation appelle « raisonnement en perte acceptable ». En agissant ainsi, les entrepreneurs se prémunissent contre les risques inconsidérés tout en avançant de manière prudente.
L’approche en perte acceptable va également à l’encontre de l’idée selon laquelle il vaut mieux viser haut et échouer avec style que de viser bas et réussir. Cette croyance, souvent renforcée par des slogans inspirants, valorise l’ambition à tout prix. Cependant, l’effectuation propose une alternative plus pragmatique : au lieu de viser des objectifs trop ambitieux et risqués, mieux vaut avancer par étapes en fonction des ressources disponibles et des pertes acceptables.
Cela garantit non seulement des petites réussites, mais aussi la possibilité de se relever rapidement en cas d’échec. En effet, échouer à une petite échelle est moins coûteux et permet de continuer à avancer.
Principe n°3 : obtenir des engagements
Ce principe repose sur l’idée que l’entrepreneuriat ne consiste pas seulement à planifier et à anticiper, mais aussi à collaborer et à s’adapter.
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Un exemple marquant est celui de Michel et Augustin, qui ont commencé leur entreprise en cuisant leurs biscuits dans un four familial. Lorsqu’ils ont reçu une commande trop importante pour leur capacité, au lieu de chercher à lever des fonds pour acheter un four professionnel, ils se sont tournés vers leur boulanger local. Celui-ci a accepté de leur prêter son four le jour de fermeture de sa boutique. Cet engagement spontané a permis à Michel et Augustin de répondre à la demande sans engager de coûts excessifs ni investir dans des infrastructures inutiles.
Cet exemple met en lumière la manière dont les entrepreneurs peuvent surmonter les défis en s’appuyant sur des partenariats, au lieu de suivre les méthodes classiques de gestion d’entreprise qui prônent l’analyse de la concurrence et la levée de fonds.
L’entrepreneuriat, tel qu’illustré par le « patchwork fou », se développe à travers des collaborations imprévues et des ressources inattendues apportées par les parties prenantes. À l’image d’un patchwork composé de morceaux de tissu différents, les entrepreneurs rassemblent des contributions diverses sans pouvoir prédire à l’avance la forme finale du projet.
Le « patchwork fou » illustre également l’importance du compromis dans l’entrepreneuriat. En effet, la direction que prend un projet dépend souvent des discussions et des ajustements avec les parties prenantes.
Cette démarche est particulièrement utile dans des environnements incertains où il est difficile de prévoir l’avenir. Les entrepreneurs qui suivent le principe du « patchwork fou » ne cherchent pas à atteindre des objectifs ambitieux dès le départ, mais à avancer par étapes en fonction des ressources disponibles et des opportunités qui se présentent.
Ils ajustent leur projet au fur et à mesure des engagements qu’ils obtiennent. Cela leur permet de rester flexibles et d’éviter les erreurs coûteuses tout en augmentant progressivement leurs chances de succès.
Principe n°4 : tirer partie des surprises
Ce principe est basé sur l’idée que les entrepreneurs peuvent transformer les événements inattendus en opportunités.
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Ce concept est illustré par l’histoire de Muhammad Yunus, professeur d’économie au Bangladesh, qui, surpris par l’incapacité de trois fermiers à emprunter 24 dollars, a fini par fonder la Grameen Bank, pionnier du micro-crédit. C’est devant une situation absurde l’ayant heurté qu’il a découvert l’ampleur d’un problème inconnu jusqu’à alors, et décide de créer une banque répondant au problème découvert.
Ce principe va à l’encontre de l’idée répandue selon laquelle un entrepreneur doit tout planifier pour éviter les surprises. L’effectuation soutient au contraire qu’il est crucial d’accueillir ces imprévus comme des occasions d’adaptation.
Un entrepreneur peut commencer avec un plan précis, mais les surprises peuvent l’amener à changer de direction, que ce soit à la suite d’un échec, d’une observation fortuite ou d’une opportunité inattendue.
Cette flexibilité est essentielle. Beaucoup d’entrepreneurs s’accrochent trop longtemps à leur plan initial. La question n’est pas de savoir s’il est plus judicieux d’abandonner son plan pour une nouvelle opportunité, mais de reconnaître que c’est une option viable. La décision de changer ou non de cap appartient à l’entrepreneur et repose sur son jugement.
Le principe de tirer parti des surprises s’associe naturellement au premier principe de l’effectuation, qui est de faire avec ce que l’on a sous la main.
Être réceptif aux surprises signifie aussi prêter attention aux signaux provenant des parties prenantes. Bien que nous soyons souvent formés à suivre des plans rigides, accueillir l’imprévu peut ouvrir de nouvelles voies. L’entrepreneur doit ainsi être capable de redéfinir ses objectifs en fonction des circonstances changeantes et des interactions avec les personnes impliquées dans le projet. Les buts ne sont pas figés, mais peuvent évoluer à mesure que des ressources et des informations nouvelles émergent.
Ce principe encourage donc à voir les surprises comme des opportunités plutôt que des obstacles. Cela permet à l’entrepreneur d’adopter une posture proactive, en accueillant l’imprévu pour dynamiser son projet et créer de nouvelles perspectives.
Principe n°5 : créer le contexte
Ce principe consiste à ne pas se soumettre aux prédictions des experts, ou aux modèles établis, mais de créer son propre environnement en redéfinissant les règles.
L’entrepreneur ne se contente pas de s’adapter au monde tel qu’il est ou tel qu’on lui dit qu’il est ; il agit pour façonner son environnement en fonction de sa propre vision. Ce principe s’oppose à la logique traditionnelle de prédiction, selon laquelle il faut prévoir l’avenir pour mieux le contrôler. En effectuation, l’entrepreneur adopte une logique de contrôle : il agit pour transformer le futur, sans avoir besoin de le prédire. Il ne subit plus l’avenir, mais le construit à travers ses actions.
Le contrôle exercé par les entrepreneurs s’étend principalement à leur environnement immédiat. Ils commencent à petite échelle, modifiant des éléments locaux avant d’éventuellement croître pour impacter un marché plus vaste.
Ce processus de création ne consiste pas à résoudre des problèmes préétablis, mais à inventer de nouvelles solutions, de nouveaux mondes.
Dans cette logique de contrôle, l’action prime sur l’analyse. L’entrepreneur n’attend pas d’avoir un plan parfaitement élaboré pour agir. L’action lui permet d’apprendre, de transformer son environnement et de créer de nouvelles opportunités. Cette approche s’inscrit dans la philosophie du pragmatisme, selon laquelle la pensée prend sens à travers l’action. Les entrepreneurs ne sont pas des spectateurs passifs ; ils sont aux commandes, agissant pour façonner leur réalité en fonction de leur vision du monde.
Une autre idée clé de ce principe est que l’action présente est la seule qui puisse réellement façonner l’avenir. Le passé est déjà fixé, et l’avenir est imprévisible, mais l’entrepreneur peut influencer le futur par ses actions actuelles. Par exemple, un entrepreneur qui signe un contrat exclusif peut ainsi verrouiller une opportunité et empêcher la concurrence d’y accéder. Bien que les conséquences ne soient jamais totalement prévisibles, l’action permet tout de même de prendre un certain contrôle sur l’avenir.
Sources : Effectuation, les principes de l’entrepreneuriat pour tous , Philippe Silberzahn