Entreprendre : faut-il planifier ou tester ?

Qu’est-ce qu’une logique entrepreneuriale ?

Une logique entrepreneuriale désigne la façon dont un entrepreneur perçoit, conçoit, décide et agit pour créer de la valeur. Elle reflète sa manière d’appréhender l’incertitude, de construire une offre et de faire émerger un projet.

Il existe deux grandes logiques reconnues dans la recherche entrepreneuriale : la logique causale, dominante dans les approches traditionnelles, et la logique effectuale, développée par Saras Sarasvathy et approfondie avec Stuart Read.

Qu’est-ce que la logique causale ?

La logique causale part d’un objectif clair et prédéfini. Elle consiste à mobiliser les moyens les plus efficaces pour atteindre ce but, en s’appuyant sur des prévisions, des analyses de marché et des plans structurés.

Elle est adaptée à des environnements prévisibles ou connus, où l’on peut estimer la taille du marché, la demande future, la structure des coûts et des revenus.

C’est la logique qui sous-tend la construction d’un business plan, d’une stratégie prévisionnelle, ou encore d’un modèle de croissance linéaire.

Qu’est-ce que la logique effectuale ?

La logique effectuale part non pas d’un but, mais de ce que l’on a sous la main : ses compétences, ses ressources actuelles, ses contacts, ses contraintes.

Elle consiste à explorer les opportunités possibles à partir des moyens disponibles, à co-construire un projet avec des parties prenantes, et à avancer par apprentissage successif plutôt que par planification.

Elle est conçue pour les environnements incertains, instables ou inconnus, typiques des startups innovantes, des marchés émergents ou des transitions technologiques.

Quelles sont les différences entre logique causale et effectuale ?

Ces deux logiques se distinguent profondément dans leur manière d’aborder l’entrepreneuriat, notamment dans la gestion du risque, la planification, et la posture face à l’avenir. Tandis que la logique causale repose sur des projections, des objectifs figés et une planification rigoureuse, la logique effectuale s’inscrit dans l’incertitude, la flexibilité et l’expérimentation progressive.

Voici un tableau comparatif synthétique pour clarifier ces différences fondamentales :

Quand faut-il utiliser la logique effectuale ?

La logique effectuale est idéale dans les phases d’exploration, lorsque les repères habituels de l’entreprise font défaut. Elle permet d’agir sans attendre de tout savoir, en s’appuyant sur l’apprentissage progressif et l’expérimentation. Cette approche convient particulièrement aux situations suivantes :

• Le marché est encore flou ou à inventer.
• La technologie est nouvelle ou peu mature.
• Les usages clients ne sont pas stabilisés.
• Les ressources sont limitées.
• L’entrepreneur veut minimiser le risque d’engagement prématuré.

C’est la logique de l’exploration, du test, de l’apprentissage et de l’émergence.

Quand la logique causale devient-elle nécessaire ?

À mesure que le projet entrepreneurial gagne en maturité, la logique causale devient de plus en plus utile et pertinente. Une fois les incertitudes initiales levées et le modèle économique validé, il devient pertinent de structurer l’activité pour optimiser son déploiement. On utilise alors la logique causale dans les cas suivants :

• Quand le modèle économique est établi.
• Quand l’entreprise doit scaler, c’est-à-dire croître de manière répétable et prévisible.
• Lorsqu’on prépare une levée de fonds, une industrialisation, ou un déploiement international.

Elle permet alors de structurer, planifier, organiser les moyens pour amplifier ce qui a déjà fonctionné.

Peut-on combiner les deux logiques dans une startup ?

Oui, et c’est même recommandé. Les deux logiques ne s’opposent pas : elles se succèdent ou se complètent. Il s’agit davantage d’un cycle que d’un choix binaire. On peut adopter l’effectuation au démarrage et évoluer vers la causalité à mesure que l’environnement devient plus stable.

• Au démarrage, l’effectuation est plus pertinente : on avance à petits pas, on teste, on écoute, on apprend.
• Une fois le modèle validé, on peut passer en logique causale : on planifie, on investit, on optimise.

Certaines grandes entreprises utilisent aussi l’effectuation dans leurs unités d’innovation ou leurs incubateurs internes pour tester de nouvelles idées avant de les industrialiser.

Exemple concret : deux entrepreneurs, deux logiques

Prenons l’exemple de deux entrepreneurs qui souhaitent créer une application dédiée à la gestion du sommeil personnalisée. Tous deux sont motivés, mais adoptent des démarches très différentes :

Cet exemple illustre comment une logique d’exploration peut produire des résultats concrets rapidement, tandis qu’une logique de planification, bien que rigoureuse, peut-être plus lente et risquée si l’environnement est incertain.

Ce qu’il faut retenir

La logique causale et la logique effectuale sont deux manières de penser et d’agir pour entreprendre :

• La première repose sur la planification et la prédiction.
• La seconde repose sur les moyens disponibles, l’expérimentation et l’interaction.

Il ne s’agit pas de choisir une fois pour toutes, mais de savoir quand utiliser l’une, l’autre, ou les deux, selon la maturité du projet et le degré d’incertitude.

FAQ – Les logiques entrepreneuriales

La logique effectuale est-elle réservée aux startups ?

Non. Elle est utile dans toute situation d’innovation ou d’incertitude, y compris dans les PME, les associations ou les grands groupes.

Comment savoir si je dois raisonner de manière causale ou effectuale ?

Observez le degré de visibilité sur le marché, l’offre, les clients. Si tout est flou, l’effectuation est plus adaptée. Si tout est établi, passez en causal.

Peut-on réussir une startup uniquement avec la logique causale ?

C’est rare. Beaucoup de startups échouent car elles planifient trop tôt. L’effectuation permet de s’adapter avant de structurer.

Quels sont les risques à ne pas adapter sa logique entrepreneuriale au bon moment ?

Trop de planification dans l’incertitude = perte de temps et d’argent. Trop d’agilité dans un contexte stable = manque d’efficience. Le risque : l’immobilisme ou l’essoufflement.